Jugement de principe concernant les personnes résidant en institution - Le Tribunal administratif fédéral met fin à une discriminationCommuniqué de presse du 7 mars 2018
Une personne en situation de handicap qui réside durablement en institution en Suisse y a son domicile dès sa majorité et ne saurait être privée des prestations de l’AI, même si ses parents habitent à l’étranger et même si elle ne peut exprimer elle-même sa volonté, car elle est valablement représentée par son ou ses curateurs. Le Tribunal administratif fédéral (TAF) met fin à une pratique discriminatoire : contrairement à l’avis de l’OFAS et du Conseil fédéral, il suffisait d’appliquer correctement le droit.
La situation de Laetitia, révélée au public en mars 2017, vient de connaitre un heureux dénouement. Le jugement de principe rendu par le TAF au sujet de son droit à des prestations AI vient de devenir définitif, en l’absence de recours de l’Office AI. L’enjeu était de taille car Laetitia, atteinte d’infirmité motrice cérébrale, risquait d’être privée de la prise en charge dont elle a besoin en institution, en raison du refus de prestations de l’Office AI et donc de l’absence de financement.
Selon une pratique constante et confirmée par l’OFAS, l’Office estimait en effet qu’une personne qui ne peut exprimer sa volonté de s’établir en un lieu conserverait toute sa vie son domicile de personne mineure, donc au lieu où résident ses parents. Ironie du sort, les parents de Laetitia avaient dû se résoudre à déménager en France car leur logement à Genève ne leur permettait plus d’accueillir leur fille. L’Office AI avait donc retenu que Laetitia avait son domicile en France.
Les parents de Laetitia ont alors contacté le Département Egalité d’Inclusion Handicap qui a défendu les droits de Laetitia. Il a fait valoir que son centre de vie était dans l’institution où elle résidait durablement, car elle y passait la majeure partie de son temps et de ses nuits. L’intention de s’établir et de créer un domicile constitue un droit strictement personnel sujet à représentation. Ainsi, même si elle ne pouvait l’exprimer elle-même, en raison de son incapacité, elle était valablement représentée pour cette décision par ses curateurs.
Personne vulnérable discriminée
L’absence de reconnaissance de ce domicile, et le fait de considérer qu’elle conserverait toute sa vie son domicile de personne mineure, en France selon l’Office AI, constituait une discrimination contraire à la Constitution fédérale et à la Convention de l’ONU sur les droits des personnes handicapées (CDPH), car cela revenait à la priver de prestations AI en raison de son incapacité. Une discrimination particulièrement grave et qui violait également de manière crasse sa liberté de Suissesse de demeurer dans son propre pays et de résider dans le lieu qui lui convient le mieux, en l’occurrence une institution.
Inclusion Handicap salue la décision du TAF, qui a suivi cette argumentation. Contrairement à l’avis de l’OFAS et du Conseil fédéral développé dans la réponse à une interpellation de la conseillère aux Etats Liliane Maury Pasquier (PS/GE), le TAF a confirmé que le droit n’avait pas été appliqué correctement jusqu’ici. Cette victoire est bien entendu aussi celle de la famille, et de celles et ceux qui ont déposé auprès des autorités genevoises une pétition en faveur de Laetitia, laquelle avait été acceptée par le Grand Conseil.